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Au dessert, il fallut lui abandonner toute la nappe pour lui permettre d’exécuter des équilibres savants avec les couteaux, les carafes et les verres. Il organisa une pyramide admirable. Louise battait des mains. Louis ne pouvait pas s’empêcher de sourire et la bonne, éblouie, répétait qu’à la foire elle n’avait jamais vu rien de plus réussi ; Ensuite, la discussion devint très politique, le père Tranet, tout en détruisant sa pyramide tonnait contre la tiédeur des républicains de l’heure actuelle. Il traitait Grévy d’imbécile et ses ministres de faiblards. À l’entendre, pour ramener la sainte activité du commerce, on devait semer la France de grosses barricades hérissées de fusils et il complotait toutes ces choses effroyables dans la béatitude d’une excellente digestion, ne se souciant guère de se déranger, car il avait gagné la partie, conquis ses invalides.

Louis le mena triomphalement à son café, sur la place de la Poste. Ils terminèrent l’orgie par une séance de dominos, et deux anisettes. — Eh bien, mademoiselle Tranet, vous êtes contente ? Le désordre est dans notre maison. Nos habitudes sont bouleversées, on se couche tard et on se lèvera probablement vers midi. On boit du vin fin en dehors des dimanches. Louis, qui a un inventaire, va au café sans me dire s’il a l’intention de livrer la dernière commande au prix de rabais. Elles sont jolies, vos œuvres ! débita Caroline quand ils furent loin.

Les femmes étaient restées en tête à tête. Louise, désirant arguer de son autorité nouvelle, avait installé son métier à tapisserie devant la porte vitrée donnant sur la cour. Le chat jaune arrondi dans la corbeille aux pelo-