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Marie Faneau, cependant, y songeait. Elle pensait, surtout, à lui renvoyer les perles, mais où ? puisque le personnage était en prison.

Huit jours se passèrent en racontars fabuleux que Michel rapportait de chez Fusard. Tantôt on croyait savoir que le héros avait été remis en liberté avec des excuses, tantôt on apprenait qu’il avait été reconduit à la frontière en qualité d’étranger suspect.

— Quelle frontière ? ajoutait Michel, gouailleur. Il n’y en a plus nulle part !

De temps en temps, Marie ouvrait l’écrin de maroquin rouge, où l’on avait soigneusement effacé le nom du bijoutier, et elle égrenait ce collier comme un chapelet de pénitence dont chaque perle lui faisait l’effet d’une larme solide. Elle n’aimait pas les bijoux. En outre quand elle avait eu l’occasion de faire un portrait de soldat elle s’était sentie comme coupable… parce qu’elle aussi profitait de la guerre ! Que de pauvres mères ou de pauvres veuves étaient venues la trouver avec une très mauvaise photographie en la suppliant de faire revivre les traits à jamais effacés sous une terre inconnue ! Comme elle aurait voulu les offrir tous, ces souvenirs pieux entretenant la misère des cœurs et la soutenant,