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vaient avoir de bon, de puissant, d’exalté, cérébralement et physiquement, et que lui n’a récolté que les prédispositions aux fêlures mentales.

Vivre seule ? Elle n’en a pas trouvé le courage. Il lui faut une affection, serait-ce une affection intéressée. L’amour ? Il lui a laissé un triste souvenir ! S’est-elle donnée ou l’a-t-on prise ? Elle a chassé l’intrus de son cœur et de ses bras. Un jour elle a appris qu’il était mort. Une paix profonde s’est abattue sur elle, non comme un deuil, mais comme une délivrance, et elle croit ne plus rien attendre en dehors des satisfactions que lui apporte son travail acharné. Elle a pu constater que le secret de l’art, de la vie intérieure, quand on l’a vraiment découvert, vaut tous les secrets sentimentaux, y compris ceux de la volupté. Au moins le pense-t-elle, parce qu’elle n’est pas encore une voluptueuse, et, loyalement, sans chercher à se duper sur sa propre valeur morale, très sévère pour elle-même, elle est pleine d’indulgence pour la valeur morale des autres, cesserait-elle de les estimer.

… Sur ce coin de table il y a un napperon de dentelles, des carafons de vieux cristal taillé, des assiettes de Chine. Un panier de fruits d’automne présente sa riche nature morte à la joie des