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lui donnerais-tu de temps à vivre si elle m’appartenait… complètement ?

Henri Duhat regardait son client avec la curiosité bienveillante que peut éprouver un savant en voyant l’animal de laboratoire lutter contre le nouveau poison qu’on lui a fait ingurgiter. celui-là titubait comme l’ivrogne, mais il n’était pas ivre. Il se débattait contre l’agonie de ce qui lui restait de cœur. Cela battait donc encore sous le mamelon gauche ? Vraiment, on marchait de surprise en surprise avec cette très vigoureuse bête de proie ! Il venait d’échapper, comme par miracle, au plus formidable des accidents et il parlait d’amour comme si sa destinée fût d’être amoureux !

— Mon cher ami, je ne peux rien contre cette fatalité de ta passion pour une fille digne de tous les respects et qui est la plus douce, la plus saine des créatures. Elle n’a plus personne pour la défendre et il vaudrait mieux, en effet, lui dire la vérité qui, sûrement, l’empêchera de t’épouser, si éprise qu’elle puisse être.

— Je la veux.

— Oui, pour la condamner au sort de ce coussin. Ce n’est pas très facile d’arranger cela.