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y eut un bruit effrayant de moteur éclatant, rugissant, de machine hoquetant comme pour hurler à la mort du puissant animal de fer et tout se tut peu à peu.

Aucun cri, aucune plainte humaine, pas une parole de douleur ou de désespoir ne sortit du gouffre. Seul, le cours d’eau continuait à sangloter, très loin, de son même sanglot, monotone, indifférent.

L’homme, penché sur cet abîme, les deux poings crispés au garde-fou de la route, guetta un moment, qui dut lui paraître long ! Ses yeux, qui voyaient la nuit, fouillèrent les ténèbres d’où pouvait surgir un spectateur de ce drame, c’est-à-dire l’ennemi. Quand l’écho, répercutant le fracas de la chute, se fut apaisé, l’homme se rassura. Il n’y avait personne dans la campagne. Pas de lumière au flanc des collines. Pas de maison à proximité. L’endroit était admirablement choisi.

Maintenant, il ne lui restait plus qu’à descendre par le chemin que ce bolide venait de tracer… par le même chemin, pour ne pas laisser d’autre trace ! Et de son pas souple et en se traînant souvent sur les genoux, s’accrochant aux arbres brisés ou les escaladant, il descendit. La terre