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guérira, car, enfin, tu m’aimes… et que m’importe de quel amour !

— Non, Yves, je ne pleurerai pas. J’ai seulement une peine infinie à vous voir si malheureux, vous si fort. J’ai entrepris de vous guérir de vos vertiges et j’y parviendrai en vous aimant… comme il vous plaira que je vous aime. Je supporterai tout, parce que je crois que vous m’aimez à votre manière. De tout votre cerveau, sinon du cœur que vous n’avez plus. Qui donc m’a volé votre cœur, Yves, mon fiancé ?

Il la respirait, ravi, les yeux clos, la tenant par les deux poignets d’une seule main, sans essayer de lui faire du mal.

— Quand je pense que je pourrai peut-être la convertir à ma religion ! murmura-t-il.

Elle ne put s’empêcher de sourire.

— Vous croyez en Dieu, Yves, et vous vous imaginez, naturellement, que je suis une païenne parce que je suis une artiste ?

— Je crois, moi, en un Dieu qui n’est pas le bon, petite fille trop tendre et trop simple. Je crois, et la guerre, et surtout la paix d’aujourd’hui autorisent cette croyance au ciel renversé, que la seule puissance qui gouverne le monde est une puissance mauvaise, détruisant ou cor-