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nouir et déchirait la rose pourpre sous ses ongles. Elle eut la sensation qu’il souffrait, mais que ce n’était pas physiquement.) Non, non, ne m’embrasse pas. J’ai le dégoût de tous les baisers ! Souviens-toi que tu as livré tes lèvres à un autre. Tu as beau me plaire, je ne l’oublie pas. Crois-tu donc que je puisse te pardonner ?… Je ne pardonne jamais rien. Non, l’absolu ce n’est pas cela.

Elle se leva, désolée.

— Vous avez encore la fièvre, monsieur de Pontcroix ?

— J’ai toujours la fièvre. (Il ajouta plus bas, comme un aveu) : Mais ce matin, chérie, j’ai vu la vraie couleur du sang ; ce n’était ni la rose, ni les fraises, ni ta bouche, c’était quelque chose comme le torrent de tes cheveux que j’aurais voulu arracher à la blessure de cet homme.

— Oh ! Yves, qui êtes-vous ? Il n’est pas possible de penser tout cela sans avoir le cerveau malade, je vous assure…

Il se redressa et lui mit les mains sur les épaules en la regardant droit dans les yeux :

— Je ne suis pas plus fou que ceux qui songent à l’amour tel qu’on le parle en votre langue humaine, Marie. Osez donc y songer un