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Moi, je suis une très mauvaise ménagère. Quand je travaille, je ne pense plus à rien. Vous avez pu vous en douter tout à l’heure ! On ne risque chez nous, que du feu de bois et, si c’est artistique, ça ne chauffe guère… que l’imagination.

L’homme se lève, s’étire légèrement, parce que la vue des flammes lui fait plaisir. Il est grand, svelte, paraît à peine trente-cinq ans. De profil, son oreille se détache de la tête, toute petite, très délicatement ourlée.

— Est-ce que je peux regarder ? demande-t-il avec une déférente courtoisie.

Elle répond par un haussement d’épaules, conservant une physionomie méditative qui prouve qu’elle n’est pas contente de son travail.

L’homme s’approche et a un rire sourd. Il est aussi mécontent qu’elle ; pourtant flatté.

— Vous n’allez pas condamner votre talent à me faire en mieux ? dit-il ironiquement.

— Non ! je voudrais seulement vous faire tel que vous êtes et je réussirais une belle chose.

— Sous le rapport de l’art, bien entendu, car vous me trouvez très laid, n’est-ce pas ?

Marie Faneau penche le front et cligne sur le portrait ébauché en lui présentant un miroir.