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je ne dors plus, je m’imagine que cet homme est mort.

Michel éclata d’un rire un peu forcé.

— Allons, bon ! Nous voici dans l’occultisme jusqu’au cou ! Comment, toi, Marie, la plus raisonnable et la plus courageuse des grandes sœurs, toi, mon aînée en sagesse et en force, tu vas nous raconter des histoires de l’autre monde ?

— Oui, je sais bien que ça ne souffre pas l’examen. C’est une obsession… Mais il sort, lui, du livre des revenants.

— En effet ! Il revient… de la guerre. C’est tout dire.

— Suppose que le bouleversement de cette immense catastrophe ait produit de nouvelles lois, que tant de jeunes chairs immolées en pleine puissance de passions et de volontés aient enfin essayé de réagir, de se révolter en découvrant le secret d’une espèce de végétation, d’une autre vie, et qu’il ne distingue plus l’amour de la souffrance, qu’il ait pris l’appétit de la douleur comme on aurait l’appétit de la chair. Ou mort vraiment, ou privé de cœur…

— Ma pauvre Marianeau, tu dérailles, et le pire, c’est que tu l’aimes encore, puisque tu lui cherches des excuses.