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était environné. Le hadnagi (bailli du lieu), en présence de qui se fit l’exhumation, et qui était un homme expert dans le vampirisme, fit enfoncer, selon la coutume, dans le cœur du défunt Arnold Paul un pieu fort aigu, dont on lui traversa le corps de part en part, ce qui lui fit, dit-on, jeter un cri effroyable, comme s’il était en vie. Cette expédition faite, on lui coupa la tête et l’on brûla le tout. Après cela on fit la même expédition sur les cadavres de ces quatre autres personnes mortes de vampirisme, crainte qu’elles ne fissent mourir d’autres personnes à leur tour. Toutes ces expéditions n’ont cependant pas pu empêcher que vers la fin de l’année dernière, c’est-à-dire au bout de cinq ans, ces funestes prodiges n’aient recommencé et que plusieurs habitants du même village n’aient péri malheureusement. Dans l’espace de trois mois, dix-sept personnes de différents sexes et de différents âges sont mortes de vampirisme, quelques-unes sans être malades et d’autres après deux ou trois jours de langueur. On rapporte, entre autres, qu’une nommée Stanoska, fille du heïduque Jotuctzo, qui s’était couchée en parfaite santé, se réveilla au milieu de la nuit toute tremblante, en faisant des cris affreux et disant que le fils du heïduque Millo, mort depuis neuf semaines, avait manqué de l’étrangler durant son sommeil. Dès ce moment elle ne fit que languir, et, au bout de trois jours, elle mourut. Ce que cette fille avait dit du fils de Millo le fit d’abord reconnaître pour un vampire, on l’exhuma et on le trouva tel. Les principaux du lieu, les médecins, les chirurgiens, examinèrent comment le vampirisme avait pu renaître après les précautions qu’on avait prises auparavant. On découvrit enfin, après avoir bien cherché, que le défunt Arnold Paul avait tué non seulement les quatre personnes dont nous avons parlé, mais aussi plusieurs bestiaux dont les nouveaux