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— Monsieur a tort de me gronder, murmura hypocritement Estelle qui depuis la Noël avait une tournure tout étrange, quand on aime ses maîtres, on songe à leur salut. Mademoiselle fait bien sa prière, mais elle ne va pas assez à l’église.

Tulotte haussa le ton.

— Avez-vous fini de nous rebattre les oreilles ? dit-elle en colère, c’est moi qui élève Mary et je crois que je m’y entends… Allez me chercher la moutarde… dépêchons !

Estelle s’esquiva sans répondre un mot. Le trait était lancé.

La Confrérie des Casseroles avait pour but de diriger les maîtres par leurs domestiques, chose démocratique plus facile qu’on ne se l’imagine.

Tous les jeudis, dans une chapelle des bons pères, les servantes de Dôle se réunissaient pour ouïr une instruction sur les devoirs de leur situation, et là, on les exhortait à combattre l’irreligion des familles qui va toujours augmentant, comme chacun sait.

On avait pris à part Estelle dont la toquade pour l’intendant de mademoiselle Parnier s’accentuait davantage, et on lui avait déclaré qu’elle se perdait chez les hussards. Estelle ouvrait une bouche énorme devant les sermons, cela lui changeait ses habitudes de grosse gaieté avec les soldats, mais flattée de se voir au milieu de la fine fleur des domestiques de Dôle, elle imita bientôt les allures distinguées de ces demoiselles, ôta les rubans tapageurs de son bonnet, eut un chapelet dans sa poche et devint si détestable