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escalier descendaient des travestissements plus fantastiques, on eût dit que les acteurs de la joyeuse comédie cédaient leur place à des traîtres de mélodrame.

— L’heure des tapettes ! dit laconiquement Lucien Laurent qui avait déjà constaté la chose autre part.

Ils surgissaient en bandes serrées de huit ou dix, mieux habillés que les femmes, de nuances plus éclatantes, d’étoffes plus coûteuses. Il y en avait en dames du monde se traitant de ma chère et de ma mignonne, portant des sorties de bal garnies de cygne sur leurs bras nus cerclés d’or ; quelques-uns en paysannes Watteau, criblés de fleurs des pieds à la gorge et corsetés solidement comme des tailles de poupées, plusieurs en peplum attique serti de camées ; beaucoup en mère Gigogne, très sveltes dans des crinolines du temps de l’empire. Ce monde nouveau se remuait avec des grâces de perverties, jouait de l’éventail, réclamait des bouquets perdus, et saluait de loin les habits noirs mélancoliques.

— Est-ce qu’ils ne vont pas être chassés ? fit la baronne Mary, frissonnant en dépit de ses hardiesses coutumières.

— Allons donc ! nous sommes en carnaval ! répliqua Lucien.

À la faveur de ces spéciales nuits d’orgies, le cloaque débordait tranquillement dans cette salle naguère pleine des fils des meilleures familles, et ils injuriaient les prostituées de l’autre sexe