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Tout d’un coup, la baronne de Caumont se dressa étonnée Elle avait aperçu le profil d’une tête charmante, un profil grec. Elle désigna la créature à Lucien Laurent, qui se trouvait à sa gauche.

— Tenez ! lui dit-elle, Lucien, vous me raillez quand je vous raconte mes répugnances pour les passions entre femmes et vous ne me croyez pas de mon siècle. Eh bien ! en voilà une que j’aimerai, si elle est à vendre.

— Ça, murmura Lucien, retenant un éclat de rire… c’est un homme déguisé.

Tous se groupèrent pour le suivre des yeux. En effet c’était un éphèbe, à tant l’heure, merveilleux de coquetterie intuitive, vêtu en pierrette de satin crème, aux décolletages fourmillant de dentelles, il avait la peau fraîche, les gestes candides d’une ouvrière qu’on a trop endimanchée.

Pétrifiée, Mary de Caumont le dévorait de ses prunelles claires qui se fonçaient. Un homme ? Elle n’avait jamais vu ceux-là de près. Elle prit le bras de Lucien et rentra dans le bal. Il ne restait que quelques enragés noceurs avec des filles non levées, les plus laides.

Une société bizarre remplaçait à présent les étudiants désertant la salle, les quadrilles accentuaient leurs pas scabreux et des brutalités soudaines secouaient les danseuses. Des habits noirs, le gilet très ouvert, se promenaient gravement avec des perles à la chemise, des gants immaculés.

Bullier était devenu méconnaissable. Du large