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une scène drôle où elle briserait quelqu’un légalement, elle enferma son amant, un petit de dix-neuf ans, peu rassuré, ne comprenant rien à ses caprices fabuleux, et elle bondit dans la bagarre. Deux souteneurs, — toujours eux ! — s’arrachaient une fille déshabillée ; elle leur parla, le front haut, la lèvre impérieuse, tenant son revolver tout prêt, mais ils lâchèrent la dispute, la fille se mit à rire niaisement, en dissimulant ses bleus, puis on s’arrangea, la dame était bonne, par exemple, on avait trop peur des sergots pour s’assassiner ! Et l’échauffourée n’eut pas d’autre suite qu’un compliment à l’adresse de la dame, une jolie personne, une égarée du boulevard, pour sûr !

Le lendemain, Mary, par hasard, lut un journal donnant les détails d’un crime commis dans l’hôtel borgne en question ; elle se rendit à la préfecture de police, outrée de ce que ces gens-là n’avaient pas eu le courage de la tuer devant elle. Et comme le chef de la sûreté l’interrogeait sur la cause de son séjour nocturne chez des misérables, elle répondit !

— Monsieur, j’allais voir un crime, mais je suis partie trop tôt !

Pensant qu’elle cachait une intrigue amoureuse, le prudent fonctionnaire n’insista pas, car elle lui avait fait passer sa carte, fleurie d’un tortil authentique, et les souteneurs, casquette basse, vantaient son courage à défendre la pauvre tuée.

Enfin, elle eut la bonne fortune de plonger dans