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triple noce qu’on oubliait à l’aurore, après son bain.

Pendant l’Exposition de 1878, et en Russie, il avait vu des régiments de ces jolies pécheresses, des créatures du meilleur monde, et il citait les noms, les rues, les hôtels.

Silencieuse, Mary l’écoutait, sucrant ses potions, les dents serrées, les yeux fixes, songeant aux ruts puissants et pourtant pudiques des carnassiers au fond des bois. Un loup, c’eût été beau devant l’homme de ce siècle des plaisirs élégants.

Paul Richard avait loué une chambre à l’auberge pas loin de leur villa. Dès que la nuit épaississait l’ombre des grands arbres, il se glissait comme un voleur le long du jardin. Le cocher lui donnait des renseignements et, selon l’humeur de Monsieur, Madame venait le rejoindre dans le pavillon formant une espèce de tourelle moyen âge à la maison.

Ils avaient, au dessus des serres, une pièce immense garnie de cretonne rose, avec un lit splendide en ébène massif. Des placards et des bahuts étaient là pour toutes les alertes possibles. Souvent, Paul dormait le matin, puis, lorsque Mary était allée réveiller le baron, il se réveillait aussi, s’échappait par la porte des serres, n’ayant plus de remords. Mais une nuit il eut une vision affreuse qui le désespéra. Son père, tâtonnant par les corridors, renversa un meuble et il fit irruption dans la salle où on s’aimait. Il entra titubant comme un homme ivre, la bouche tordue, les yeux tragiques. Paul se jeta par terre entre la muraille et le lit, ne respirant pas.