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— Préférerais-tu que j’eusse le courage de le tuer moi-même ?

Paul sortit, navré. Elle jouait avec ces idées funèbres comme avec les couteaux brillants que font tournoyer les jongleuses. Quand il lui parlait de son oncle, le professeur vénéré de jadis, elle interrompait ses doléances, lui assurant qu’il avait moins valu que celui-là, que tous ces gens usés étaient des sales, des corrompus, il n’y avait que les jeunes qui fussent drôles et encore s’ils se résignaient aux coups de griffe et aux morsures. Paul inclinait le front, ne disant plus rien. Il aurait eu grand tort de se plaindre puisqu’elle le choisissait dans la jeunesse, puisqu’elle aimait sa belle sève débordante. Certains garçons robustes mais blonds ont de ces passivités de filles dès qu’ils ont l’âme ensorcelée. Elle inventait des supplices très mignons pour éprouver à toutes les minutes sa docilité d’amoureux. Souvent elle lui promettait de venir, elle ne venait pas, sachant qu’il pleurerait de dépit et arrivait lorsqu’il n’osait plus l’attendre.

Maintenant ses hémorragies étant moins fréquentes, elle avait découvert des petits points sur sa peau, entre l’épiderme et la chair. Elle les tirait à l’aide de ses ongles formant l’amande, en laissant le sang fluer hors les trous des pores élargis ; lui ne bougeait pas, mais son épaule ou son dos finissait par lui cuire tellement qu’il se fâchait, les larmes aux yeux. Elle employait ses caresses les meilleures pour le calmer, répétant qu’un homme doit être