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En effet, le baron était cette nuit-là chez la petite comtesse de Liol et celle-ci avait prévenu sa complice par ce billet laconique :

« Ma brune belle, le monstre restera chez moi, ce soir ; on ne dansera pas au piano, mais il y aura du thé.

À vous. »

Elles s’entendaient. Un mépris commun du maître les faisait s’unir pour que l’une débarrassât l’autre des assiduités gênantes du viveur sur le retour. Peut-être bien la marquise avait-elle un plan ou soupçonnait-elle son amie de ne pas lui dire tous ses secrets d’épouse qui a besoin de demeurer chaste. Mais elle se dévouait sincèrement !

Louis de Caumont, à partir de son escapade, renoua des intrigues et se glissa en des lieux épouvantables. Un continuel besoin de volupté semblait le mener à travers les sociétés les plus interlopes. Il appelait sa femme une Mandragore. Dès qu’on respirait l’air qui l’entourait on devenait satyre et, toujours fier de ses forces renaissantes, il courtisait, à la fois, la comtesse, une fille du quartier latin, la prostituée des trottoirs, les cocottes du café Américain. Elles étaient toutes jolies, toutes savantes, toutes jeunes… et, planant au-dessus de toutes, il revoyait l’image de Mary, l’énigmatique créature dont les baisers versaient du feu de ses veines.