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monde Chiffonnante, parce que sa principale joie était de courir les grands magasins de nouveautés et d’y collectionner des étoffes nouvelles. Veuve, elle avait eu quelques amants, vite las. On la prétendait hystérique ; ainsi, d’ailleurs, le sont toutes les femmes que les hommes ont vu rire et pleurer dans une querelle d’amour, mais rien ne prouvait les désordres de son tempérament, car elle se vantait en parlant de ses feux. Ses amants la considéraient comme une glaciale.

— Pauvre chatte ! soupira la comtesse de Liol.

Elles causèrent ensuite toilette, évitant de reparler du baron.

Une semaine s’écoula. Mary semblait oublier l’étudiant et ne lui écrivait que de loin en loin. Celui-ci, à moitié fou de rage, la guettait à tous les coins des rues, ne s’occupant plus de ses études médicales, renonçant au gagne-pain présent ou futur. L’amour de cette cynique lui était nécessaire comme la lumière ; quand elle partait il retombait dans un chaos et allait, tâtonnant, se briser les membres contre les murs. Il savait que ce mari l’avait reprise et il voyait, dans ses cauchemars, se dérouler des scènes horribles. Durant huit jours il résolut de manger chez des camarades pour ne pas toucher à son argent. Les invitations s’épuisèrent, il était si morne que les compagnons en eurent bien vite assez, il lui fallut jeûner. Que faisait-elle donc ? Ses billets lui disaient que la prudence la retenait auprès de cet homme et qu’elle le priait d’attendre.