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non à cause de la morale, mais pour en profiter à des points de vue spéciaux.

— Vous êtes une heureuse créature ! soupira-t-elle. Moi, depuis que je suis veuve, j’ai eu l’idée de prendre un amant, et si je n’en ai pas pris, c’est que je doute de tous ces messieurs !

Mary ne put s’empêcher de sourire.

— Vous n’avez pas douté de mon époux, jadis, m’a-t-on raconté !

Les deux femmes étaient assises en face l’une de l’autre. Elles se dévisagèrent. Il y avait une absolue indifférence dans le sourire railleur de la baronne. Madame de Liol se rapprocha d’elle.

— Vous ne l’aimez pas, méchante ! dit-elle, vexée de ce qu’il lui avait appris ses anciennes fredaines.

— Je l’aime comme on doit le faire en alliance légitime, ma chère : raisonnablement !

— Hum !… et pourquoi cette fuite précipitée ?

Mary quitta le ton du marivaudage.

— Eh bien ! dit-elle avec un dégoût qu’elle ne put dissimuler, il m’excède, voilà la vérité.

La comtesse était une blonde très fanée, très élégante, soignant particulièrement ses mains, dont les deux index se trouvaient rongés jusqu’au vif, ce qui donnait à penser qu’elle avait la triste habitude de les mordre, ses yeux cernés luisaient à de certains instants comme des diamants, elle recherchait la compagnie des brunes, pour ressortir, et des blondes, pour les désespérer. On la surnommait dans son