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geait et buvait chez lui, sans grand appétit, des plats assez simples, un vin sans alcool. Mais dès qu’il la rencontrait par les corridors ou qu’elle venait se pencher sur lui, il était repris de cette surexcitation merveilleuse qui lui faisait accomplir des actes de héros. Leur lune de miel recommençait. Au moins, c’est ce qu’il croyait. Elle était si belle, si jeune, si originale. Un moment il s’écria, se sentant fou :

— Tiens, Mary, je te remercie de t’être vengée ! Pour m’avoir trompé un jour, tu es une autre femme, mille fois plus désirable !

Mary eut le bon goût de ne pas répondre.

La petite comtesse de Liol, qui avait rassuré l’époux en jurant que son amie était impeccable, fut témoin d’une scène bizarre. Elle était venue visiter le couple, un peu intriguée au fond par les allures de madame de Caumont, une femme ne soupant jamais et sortant de chez elle avant minuit, s’isolant, ayant l’aspect d’une religieuse qui traverserait un vilain monde. Lorsqu’on l’annonça dans le salon de Notre-Dame-des-Champs, Monsieur s’échappait derrière une portière, tandis que Madame, demeurée grave, rajustait sa coiffure. La fine Parisienne posa une question embarrassante :

— Je vous dérange ?

— Non, chère amie, pas du tout, au contraire !

— Ce n’est guère poli pour ce pauvre baron, ce que vous dites là, riposta la comtesse, une charmante vicieuse, cherchant la plaie dans les ménages,