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bouche d’un rouge ardent, elle s’efforçait de sourire.

— Tu cries trop… Mary… je finirai par te gronder… Tu as mis tes vêtements dans un bel état ; au lieu d’obéir à Tulotte, tu ouvres les boîtes… Enfin, c’est le médecin, ton oncle, qui me l’a ordonné. Laisse ta vache et ton homme en repos. As-tu fait tes devoirs ?… Non ! Tu t’es amusée avec le chat ?… Si ton père n’y met pas ordre… tu me tueras !

La jeune femme était fort pâle, avec de grands yeux noirs brillants, des cheveux bruns, en bandeaux lissés. Elle se vêtait d’un peignoir flottant de mousseline à petites fleurettes pompadour orné d’une foule de rubans. Caroline avait l’amour du chiffon et se faisait des toilettes d’intérieur soignées pour les montrer à la sœur de son mari, qu’elle détestait et qui s’habillait toujours comme un gendarme. Un désespoir lui venait surtout de ne pas pouvoir porter de crinoline. La cousine Tulotte en portait de très larges, elle, son unique désir de plaire se réfugiait dans cette cage monstre se balançant à ses hanches absentes, et Caroline, réduite au peignoir, se vengeait par les nœuds de rubans multicolores.

Le colonel avait écarté les persiennes de la croisée, il humait l’air du cimetière pour prouver à sa femme que ça ne sentait rien. Il se retourna.

— Tu seras fouettée ! déclara-t-il brusquement, sans savoir de quoi il s’agissait.

L’enfant se taisait, le front penché sur une poupée dont les paupières se fermaient quand on la berçait