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n’aimerait jamais ce père de hasard dur et hautain, l’ayant abandonné aux vagabondages des rues tant qu’il avait pensé que les preuves de sa naissance n’existaient pas.

Mary était une créature odieuse ; cependant elle ne lui représentait point l’odieux inceste, elle avait vingt ans, lui en comptait vingt-deux. Un couple choisi par Dieu pour se consumer de plaisir. Et elle venait de lui baiser la nuque, lui courbant la tête avec l’autorité d’une véritable passion.

Paul s’abandonna, les idées perdues, possédé jusqu’aux moelles du désir honteux de savoir si elle éprouverait de nouveau ce frisson de joie mystérieuse qui la lui avait offerte.

— Mary, bégaya-t-il, se délivrant lâchement de ses remords, je suis sûr, à présent, que cet homme se fait illusion. Je ne peux pas être son fils, je t’aime trop, vois-tu !

Quand Mary rentra chez elle, son oncle l’arrêta au passage du corridor.

— Misérable ! dit-il tout bas. Et, la saisissant par les poignets, il l’emmena dans son cabinet.

— Vous exagérez, mon cher oncle, répondit-elle avec un tranquille sourire. Je ne vous le fais pas garder, choyer comme un trésor pour votre propre distraction. Mon mari est en Russie, à la poursuite d’une actrice, moi je m’amuse pendant son absence : cela est, prétend-on, d’un joli genre. Votre morale, assez souple je pense, me permettra de me diriger à ma guise.