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me plaindre, moi qui ai violé sa femme… Mary… je t’ai violée, n’est-ce pas ? Oh ! l’horrible nuit ! Nous sommes donc des maudits, nous autres, les enfants naturels ? Mary, je vous aimais tant ! Vous vouliez me faire tuer. Mary, je vous aime encore ; d’ailleurs, pourquoi le cacherais-je ? d’un amour sans espoir désormais, d’un amour qui me mangera le cœur ; Mary, la femme de mon père, Mary, la chère adorée que je ne peux plus serrer dans mes bras !

Le jeune homme s’animait. Déjà, ce n’était plus le crime qui l’occupait. Elle était là, demi-couchée, railleuse, ôtant toujours ses vêtements et tout heureuse de se montrer au vainqueur.

— Paul, dit-elle, suis-je bien la même femme ?

— Hélas ! par pitié, ne me tente pas… Tu es aussi belle, aussi perverse, Mary… mais je ne te peux plus souffrir. Tu m’as trompé en le trompant, ton mari.

Il disait « ton mari, » ne répétant pas « mon père ».

Elle éteignit la lampe, puis l’attira près d’elle.

— La voix du sang ! murmura-t-elle, c’est la voix de l’amour. Tu hais le baron de Caumont, et moi, tu m’aimes encore. Ne viens-tu pas de me l’avouer ?… Allons ! ce serait folie que de gaspiller notre temps ; il est minuit, je rentrerai chez moi vers trois heures du matin, le coupé m’attend place de la Sorbonne. Paul Richard… ne faites donc pas votre romantique !

Cette phrase singulière retentit à l’oreille de l’étudiant comme un éclat de rire. Peut-être avait-il rêvé, en effet, des choses fort inutiles. Après tout, il