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Ce fut odieux ! Ensuite, il la coucha dans son grand lit de reine où il ne voulait pas entrer. Elle se roulait, furieuse, échevelée, l’appelait lâche.

— Madame, taisez-vous, dit-il se détournant, car elle était irrésistiblement belle, votre mari est peut-être derrière la porte.

Cette menace produisit une étrange réaction. Elle s’apaisa.

— Non, répondit-elle, viens, nous n’avons rien à craindre, c’est ma faute… je suis une coquette, tu as bien agi.

Il hésita, la partie serait gagnée pour toujours s’il avait le courage de la fuir. Elle l’aimerait en toute sincérité de corps et de cœur s’il domptait son orgueil par un affront comme il avait dompté sa personne par le viol, mais il la regarda.

— Me pardonneras-tu, chère femme ? balbutia-t-il quand il fut retombé dans ses bras, tout honteux de sa brutalité d’un moment.

Elle l’attirait dans l’ombre de ce lit, mettant une étrange persistance à l’éloigner de la lumière du feu. Il la connaissait à peine pourtant, et il aurait bien voulu se repaître de sa beauté ; le peignoir était écarté, elle se livrait presque nue, blanche comme la toison de la féroce bête dont le crâne aplati, les yeux de verre orangé paraissaient les guetter en rampant.

— Mary, répéta-t-il enivré, me pardonnes-tu ?

Soudain elle jeta un cri :

Paul ! s’écria-t-elle, va-t-en… je te trahis, je