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son reste avec ses rentes. Au début de l’hiver ils firent des visites et en reçurent beaucoup. Dans le bruit des conversations banales, ce mari à la mer tâchait d’oublier ses défaites d’alcôve. Il lui désignait ses anciennes conquêtes, au fond en ayant encore peur, mais la méprisant assez pour la traiter comme les filles que rien ne peut effaroucher. Il lui cita la comtesse de Liol, et lui apprit de quel talent secret cette créature, fort respectée de son monde, disposait en faveur de ses amants. Puis il lui nomma plusieurs jeunes femmes nouvellement mariées qu’il avait eues avant leur mariage. Sans être ni mieux ni plus habile qu’un autre, il possédait ses tablettes de Lauzun. Toutes les anciennes vinrent à l’hôtel de la rue Notre-Dame-des-Champs. Au mois de décembre ils donnèrent un bal où elles se trouvèrent toutes mêlées aux figures d’un quadrille, et Mary leur adressait ses plus sympathiques saluts, car elle se savait uniquement aimée par un amant qu’elle prendrait quand elle voudrait et qui la vengerait de ce mari éteint.

Le baron sortait souvent en garçon, il éprouvait maintenant le besoin de renouer les relations interrompues et d’user du moyen suprême de l’indifférence. Cet orage de passion pour sa femme légitime lui semblait bête, il n’y a que les époux amoureux que l’on trompe, et quand il serait rentré en lui-même, elle lui reviendrait un soir plus abordable, plus soumise. Il fréquenta son Cercle, passa des nuits blanches, offrit un souper à des actrices,