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à la menthe, son délassement favori. Le dîner fut gai. Mary, quand elle le voulait, savait mettre chacun à son aise ; elle ne taquina pas trop le pauvre carabin, probablement elle avait les renseignements qu’elle était venue chercher. Elle cajola son oncle qui finit par sangloter de bonheur sur son assiette, elle offrit à Tulotte une bouteille de crème des Barbades qu’elle lui rapportait exprès pour ses petites soifs solitaires, et elle leur déclara que son mari, malgré leurs cinq mois de ménage, lui plaisait encore, mais qu’elle ne tolérerait pas qu’ayant de son côté la fortune, il serrât les cordons de leur bourse.

Paul Richard pétrissait la mie de son pain, songeant que cette femme devait fièrement aimer le baron de Caumont, puisque sur une idée de jalousie rétrospective, elle était arrivée à lui poser des questions redoutables. Lui, il ne se payait pas de ses airs de dégoût. Toutes les filles de dix-neuf ans font leurs dégoûtées et elles sont amoureuses de l’époux comme des chattes. Il s’agissait d’une querelle d’oreiller, il sentait cela, et la baronne ne l’aveuglerait pas aussi facilement qu’elle aveuglait ses parents un peu gâteux.

— Monsieur Paul, dit Mary après le dessert en passant son bras familièrement sous le sien, si nous allions au jardin ? On étouffe ici.

Ils descendirent au jardin, lui, retenant à grande peine son hémorragie qui regrimpait au cerveau, elle, d’allures indifférentes, arrachant les roses par-ci par-là, se baissant pour contempler un caillou.