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de squelettes et il cachait les planches coloriées, mais elle passa derrière lui et, se contentant de lire un titre, elle détailla toute la leçon d’anatomie ; avec une sûreté de maître elle nommait sans effort chaque pièce de cet ossuaire, lui rappelant les positions des membres et le nombre de leurs muscles ; elle n’hésita point quand elle descendit à certaines parties intimes, décarcassant la pauvre nature telle qu’elle est, beautés et hontes.

Il en frissonnait dans sa chair, se croyant fouillé aussi jusqu’aux moelles.

— Ah ! vous êtes une savante, vous, malgré vos robes vertes ! s’écria-t-il, dans un élan naïf.

Elle le regarda, souriante.

— Je suis une femme qui s’ennuie, Monsieur Paul, et je crois que c’est de ne plus travailler.

Elle se tenait appuyée contre le dossier de sa chaise, adorable dans sa robe de pongée havane, une étoffe d’apparence mouillée, dessinant son être aux merveilleuses formes. Un bouquet un peu fané, acheté durant son voyage, se plaquait à sa poitrine ; en se penchant, elle avait laissé une mèche de ses cheveux noirs se mêler aux cheveux blonds du jeune homme.

— Monsieur Paul, pourquoi vous appelez-vous Richard ? demanda-t-elle, tandis qu’un nouveau sourire entr’ouvrait ses lèvres.

Elle aussi voulait savoir pourquoi on l’appelait Richard. Est-ce que toutes les femmes s’entendaient pour se moquer de lui ? Il arrangea les livres et les