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Elle monta, mais ne trouvant pas son oncle, elle frappa la table de son ombrelle.

— Ah ! cela ne va pas se passer ainsi, s’écria-t-elle, il me faut de l’argent, de l’argent tout de suite. Sous prétexte que c’est mon mari, il tient la clef de la bourse quand nous sommes loin, et ici il tremble devant mon oncle. Attendez, baron, je vais vous abandonner à l’amour platonique. Nous verrons si cela vous suffit. D’ailleurs, je suis lasse de cet homme, il est usé, il est bête ; je crois, Dieu me damne, qu’il est plus révoltant encore que mon oncle !

Mary était devenue la maîtresse du baron au lieu de devenir sa femme et cela fatalement, un soir, qu’enragé d’amour, quelques semaines après leur singulière nuit de noces, il lui avait juré tout ce qu’elle avait bien voulu lui faire jurer. Peut-être même, le vœu bizarrement impie de l’épouse lui assurait-il la réalisation d’un de ses projets à lui, très secret, dont il ne pouvait pas parler. Le viveur, au hasard, écrivit son testament en détaillant le genre de mort que procuraient les jolis poisons de mademoiselle Mary Barbe, sa femme ! Il possédait, outre une cinquantaine de mille francs, débris de ses splendeurs, la Caillotte, une maisonnette de Fontainebleau, sous des branches de hêtres ; puis, il l’aima sans l’avoir du reste instituée son héritière. Ce fut un délire. Mary, ravissante en ses printemps de neige, réellement vierge, était une coupe pleine du plus grisant breuvage. Elle n’eut avec lui ni les pu-