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moiselles de mon âge. J’ai tout lu, tout compris, et mon cher oncle m’a donné des explications par dessus le marché. Physiquement, je suis vierge ; moralement, je me crois capable de vous apprendre des choses que vous ignorez peut-être. Trêve de préambules mystiques. Ce que vous voulez, je vous le donnerai tout à l’heure. Auparavant, j’ai des conditions à vous poser.

Le baron Louis de Caumont, qui avait mis un genou en terre, leva le front, stupéfait. Elle parlait d’un ton calme et résolu.

— Mary ! dit-il, quel est ce langage ? Ne m’aimeriez-vous point ?

Elle haussa doucement les épaules.

— Voilà une grande phrase, mon cher ami. Je vous aimerai davantage demain, ce sera mon devoir, mais ne comptez pas sur une passion désordonnée, j’ai l’horreur de l’homme en général, et en particulier vous n’êtes pas mon idéal. Lorsque j’avais dix ans, je m’imaginais qu’un jardinier pieds nus et en chapeau percé serait le mari de mes rêves. Il m’aurait fallu, je crois, un mari amusant comme un petit saltimbanque pour développer en moi les belles folies dont vous m’entreteniez aujourd’hui. Si je vous accepte sans attendre mon bohémien, c’est que je tiens à m’affranchir de la tutelle de mon oncle. Vous êtes ma liberté, je vous prends, les yeux fermés… Vous seriez un voleur, que cela me laisserait indifférente.

— Mary, vous me glacez… Comment deviendriez-