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essaya de se révolter contre cette dénomination fatale l’envahissant de plus en plus.

— Non, Mary, non… Calme-toi ! Te céder pour une chose qui tue ta tante, je ne le dois pas… Juliette, sors… je te l’ordonne, suis-je l’aîné ?

Tulotte, abrutie, allait sortir, mais Mary la retint.

— Ma foi, dit-elle, riant d’un rire cruel, quand un oncle veut courtiser sa nièce, il commence par chasser les témoins, naturellement. Tulotte vous gêne et vous espérez qu’en lui rendant l’existence impossible, elle vous abandonnera, un beau matin !

Le docteur devint pâle. Ses traits se convulsèrent, il bégaya :

— Mary, je te maudis !…

Tulotte s’affaissa sur un fauteuil, les dévisageant l’un après l’autre.

— Hein ! la courtiser ? C’est trop fort ! Son oncle… mon frère… un vieux barbon ?

— Oui, reprit Mary avec violence, je garde mes défenseurs, moi, j’y tiens ! Tulotte, tu resteras et tu auras les clefs de tout. Quand je serai mariée, nous verrons.

Le prestige, la gloire de la famille s’évanouissait. Ah ! c’était bien la peine d’avoir mis trente ans à découvrir, parmi des tas de remèdes pour les femmes en couches, le mal d’amour !… Il était propre, leur aîné ! Qu’en pensait le hussard, là-bas, sur le champ de bataille ? S’amourracher de sa nièce, une petite fille vis-à-vis de lui, un grand-père !… et c’est qu’il