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Celle-ci, accoudée au socle d’une statue égyptienne, droite comme elle, ayant la finesse de ce corps glauque, un problème de deux mille ans, buvait du thé, son vague sourire aux lèvres. Le baron Louis de Caumont, un bel homme, prenant ses premières privautés de fiancé, se penchait dans son cou pour lui dire une fadeur. Louis de Caumont tranchait sur ce monde de gens peu soucieux de la toilette. Il avait une élégance discrète, point de breloques, point de bottes, de petites perles au plastron ; le tortil brodé en violet au fond du claque doublé de satin noir, une senteur douce de benjoin et un habit qui le faisait paraître le seul habillé, au milieu des autres.

Ni beau ni laid, il conservait cependant une allure si correcte en faisant des choses insignifiantes qu’il plaisait extrêmement ; mais il avait les larmiers très creusés, d’une couleur citrine indiquant un passé rempli d’excès de toutes sortes. Par instants, quand il regardait Mary, ses yeux ternes flambaient de lueurs.

— Nous irons souvent dans ma maison de Fontainebleau, n’est-ce pas ? demandait-il.

— L’été, oui ; l’hiver nous resterons chez mon oncle, il me promet de nous abandonner son hôtel. J’ai hâte de faire certains changements, vous savez, je transporterai son laboratoire dans les appartements d’en haut. Son cabinet sera mon boudoir.

— Je ne suis malheureusement pas assez riche pour vous proposer d’acheter mieux que vous avez ici, chère petite amie. Hélas ! il y a des heures où l’on voudrait être roi !