Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/270

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le malheureux était retombé dans son fauteuil, la tête basse.

— Pitié ! dit-il d’un ton sourd.

— Allons donc ! pitié, s’exclama-t-elle ; est-ce qu’on a eu pitié de moi, depuis que je suis au monde ? Je ne demandais pas à naître, n’est-ce pas ?… Quelle rage a-t-on eue lorsqu’on m’a jetée sur terre ? La belle chose que la tendresse de nos parents qui nous font quand nous ne voudrions pas être faits ?… Aujourd’hui, tout changera, je vous en préviens ; les sciences que vous m’avez si libéralement données tourneront contre vous, le savant !… Et quand vous vous plaindrez, je vous dirai de vous souvenir de certaine soirée… Estimez-vous heureux que je n’aille pas crier vos hontes devant tous ceux qui vous croient respectable. Je me marierai avec le baron, je vivrai ici parce que j’aime cette maison, et que je la dirigerai malgré vous. Il est temps que je descende tout à fait du grenier où j’ai grelotté trois hivers, mon cher oncle. Tulotte m’obéira, et si vous n’êtes pas content, je lui expliquerai des choses, à votre sœur… des choses qu’elle pourra ressasser tout à son aise entre deux bouteilles de votre vin de Bordeaux !

Célestin Barbe ne remuait plus, son grand corps étendu avait l’air mort.

Elle dirait à Tulotte, cette Tulotte qu’il méprisait jadis pour ses passions abrutissantes du boire et du manger ! Et il revoyait, dans une terrible vision, les moindres détails de la soirée néfaste : Mary,