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— Oui, balbutia-t-il, repoussant à demi le tiroir, j’ai oublié de mettre mon habit. Il ne faut pas m’en vouloir, je suis si malheureux, ce soir, Mary ! Oh ! mon Dieu ! s’écria-t-il, saisi de ce frisson sénile qui effrayait son expérience médicale, mon Dieu ! quelle robe as-tu donc ?

Mary, debout, dans la splendeur de ses dix-huit ans, portait une singulière toilette, sa création des fiançailles.

« Je veux une robe couleur de souffrance, » avait-elle déclaré à la couturière stupéfiée. Cette robe incarnait parfaitement l’idée qu’elle avait eue, la cruelle fille ! Sur la jupe de satin vert émeraude, arrachant les yeux, se laçait une cuirasse, mode inconvenante de l’époque, une cuirasse en velours constellé d’un paillon mordoré à multiples reflets ou pourpres ou bleus. Ce corsage était montant et cependant s’ouvrait par une échancrure inattendue entre les deux seins, qu’on s’imaginait plus roses à cause de l’intensité de ce velours vert.

La cuirasse laissait les hanches comme nues, et le long des plis de la jupe, très collante, couraient des branches de feuillage de rosier sans fleurs, criblées de leurs épines. La perverse coquetterie de Mary avait fait explosion avec une assurance frisant la naïveté. Jamais elle ne s’était souciée de ses chiffons avant ce soir-là, et d’un seul effort elle atteignait au sublime.

Ses cheveux tordus derrière la nuque s’ornaient d’une épingle en métal nuancé, pareil aux broderies