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plètement dépouillé de ses derniers cheveux, sa lèvre inférieure commençait à pendre, ses joues flottaient, sa barbe blanchissait, et, un peu à gauche, il ressentait des palpitations étouffantes. La décrépitude sénile, la hideuse décrépitude arrivait, le foudroyant au milieu de ses désirs irréalisables. À son cours, il avait de fréquentes distractions que les gens remarquaient bien. On chuchotait, malgré le respect qu’il imposait par sa science et sa situation. Une rage absurde le tenaillait quand il songeait que, sans elle, il serait encore solide. Sans cette fille désespérante, personne n’oserait se moquer de lui. Est-ce qu’il n’allait pas finir par baver aussi comme les gâteux qu’il soignait jadis avec des réflexions moqueuses ? Mieux vaudrait mourir tout de suite. Il se leva d’un brusque mouvement de colère, ouvrit un tiroir de sa bibliothèque, le tiroir des choses nuisibles où il serrait les poisons. Là, se trouvaient en des fioles mignonnes, les unes cerclées d’argent, les autres d’un cristal bleu lapis, l’acide prussique, fluide et incolore, le curare épais, crémeux, jaune, puant, et des poudres bizarres brunes et blondes, de l’arsenic, des cantharides… Là était la prompte délivrance, une fuite lâche qu’on ignorerait.

Soudain, un bruit d’étoffe de soie, étonnant froufrou pour ce lieu austère, emplit la pièce. Mary descendait des appartements de Tulotte.

— Mon cher oncle, dit-elle de sa voix mordante, je crois que vous êtes en retard.