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séda, l’oncle Barbe devint nerveux. Il se fâcha en songeant qu’elle pouvait épouser un sauteur. Il avait déjà jeté son dévolu sur un certain baron de Caumont, qui lui avait été présenté par un ami sincère. Un monsieur de quarante ans, ne paraissant pas son âge, du reste bien en point, assez expérimenté, presque fat, ce que ne détestent pas les jeunes filles. Il avait quelque fortune, il aimait les sciences, suivait ses théories, et lui recommandait le fils de son garde-chasse, un mauvais drôle dont il voulait faire un médecin, par charité.

— C’est un baron authentique, murmura Célestin en caressant sa barbe, qu’en dirais-tu ? Hein ! je te voudrais un petit tortil, moi, pour poivrer la situation, car cela te donnerait l’entrée des salons en vogue. Ce monsieur est bien élevé, il cause de tout ce que j’ignore : le monde, la mode… mais… mais… Tiens, si tu me croyais, tu ne te marierais pas !… Nous resterions chez nous : Tulotte finirait sa couverture de coton ; tu classerais mes herbes, tu deviendrais une savante. Il y a eu des savantes très belles qui choisissaient le célibat et restaient auprès de vieux froids comme ton oncle.

Pris d’une irrésistible tentation, il la souleva de terre pour l’embrasser ; elle renversa sa tête avec une gaieté d’écolière. Ah ! elle était loin, l’époque maussade durant laquelle son oncle, l’égoïste, la reléguait sous les toits de sa maison !

Tulotte, attendrie, les examinait se disant qu’on aurait peut-être une liqueur d’extra au dessert du soir.