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— Quand on songe, Mary, que le Plésiosaurus avait la queue du lézard, de ce joli lézard qui court là, sur le mur !

Et Tulotte, l’œil abruti par ses nombreuses libations de la veille, se grattait la nuque du bout de son aiguille à tricoter.

Pourtant, l’âge des amours était proche, le médecin ne devait pas se faire illusion. Mary, plus développée et plus belle après sa convalescence, gardait au fond des yeux une mélancolie mystérieuse ; elle s’ennuyait de nouveau, comme elle s’était toujours ennuyée chez ses parents. Elle avait des insomnies terribles et quand elle respirait les roses plantées pour elle, on la surprenait en de vagues rougeurs, les lèvres tremblantes. Célestin s’amusait à cette délicate transformation d’une nature bien pure et bien conditionnée ; il notait la marche des aspirations ardentes comme un avare compte son or. Hier elle riait sans savoir pourquoi, aujourd’hui elle pleurait, demain elle casserait une potiche d’un mouvement brusque. À part son pouce et une tache noire au cerveau (qu’il ne devinerait jamais car elle datait de trop longtemps), il la trouvait d’une superbe structure. Sa taille avait une moyenne finesse, sans le secours du corset qu’il lui interdisait absolument ; ses épaules tombaient gracieuses sur des bras nerveux d’un dessin mièvre mais solide ; ses pieds étaient étroits, à souhait cambrés ; ses hanches s’arrondissaient élégantes et félines. Son visage doré s’illuminait du reflet suave de ses yeux.