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— Mon oncle, reprit Mary sans détourner les yeux de la chair morte, que me reprochez-vous ? Rien ? Pour ma récompense donnez-moi ma liberté. Tulotte et moi nous pourrons vivre avec la pension de papa. Elle boira ce qu’elle voudra, moi je sortirai quand il me plaira… Nous séchons de chagrin ici, je ne tiens pas à vous gêner davantage. Vous serez délivré. Tulotte dit que je dois hériter de vous… Faites, à partir de ce soir, votre testament pour qui vous aimez, si vous aimez quelqu’un.

Le docteur l’écoutait, hochant le front.

— Alors, tu ne le plais pas chez moi ?… Voudrais-tu te marier ?

Elle eut un rire moqueur.

— Pas avec vous, toujours ! riposta-t-elle en retirant sa main.

Il réfléchissait, la scrutant de son regard clair.

Elle lui semblait une autre créature depuis la découverte de son pouce, il lui venait le désir de l’étudier de plus près.

— Si on s’occupait de te meubler la cervelle pour que tu ne lises pas les mêmes histoires dix fois de suite, hein ? demanda-t-il d’un ton conciliant.

— Mon oncle, vous n’avez jamais le temps, et je suis une femme !

— Mary, je réponds de toi, comprends-tu, j’ai la frayeur de l’avenir. Tulotte est une créature tellement extraordinaire… Ah ! je te marierai de bonne heure, va, le plus tôt possible. En attendant, ne te monte pas l’imagination, je te prêterai de nouveaux livres.