Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/250

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ne t’emballe pas, petite !… je n’ai pas envie de te chasser… tu es ma nièce.

Soudain il s’interrompit pour examiner le pouce de la jeune fille.

— Tiens ! tiens ! ajouta-t-il, voilà une curiosité, ce pouce !… Proportion gardée, il est aussi long que l’autre.

Oubliant tout à fait son idée à propos du couvent, il l’amena contre la table ; d’un mouvement rapide, il ôta la toile qui cachait un membre humain. C’était un bras d’homme ; les nerfs mis à nus saillaient sur son épiderme exsangue, les doigts, rigides, se tendaient comme dans une récente angoisse.

— C’est drôle ! dit-il, prodigieusement intéressé, et il accoupla le pouce vivant au pouce mort. Celui de Mary était presque de la même longueur quoique beaucoup plus mince, et celui de l’homme se faisait déjà remarquer par une dimension anormale. Le savant se caressait la barbe.

— Curieux ! mais pas flatteur ! Hum !… marmottait-il. Mary n’avait pas eu un frisson. Elle contemplait le bras, dédaigneuse, peut-être supposant qu’il était en faux.

— Qu’est-ce que vous voulez dire ? interrogea-t-elle.

— Ah ! tu n’as pas eu peur… bien… je te félicite. Ce bras est celui d’un assassin qu’on a décapité hier.

La jeune fille se pencha.

— Pauvre homme ! dit-elle, la voix un peu altérée… et ce fut toute son émotion.