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rencontrer des figures humaines qui ne soient pas la vôtre ou la sienne, vous prétendez que je deviens une demoiselle et que les demoiselles ne reçoivent pas de visites. Vous ne vous demandez pas, vous, si j’ai fini de lire les voyages des explorateurs célèbres ? C’est la dixième fois que je les recommence ! Vous ne pensez pas que j’aimerais à apprendre autre chose que la botanique de Van Tieghem, Tulotte n’a pas le courage de me l’expliquer. Je vous suis étrangère et le peu de bruit que font mes bottines dans le corridor vous impatiente. Voyez-vous, mon oncle, je vais vous le déclarer franchement : je ne vous aime pas. Vous ne m’aimez pas, donc chassez-moi, je me moque de tout, désormais. Ici, je ne trouve pas le soleil, j’irai le chercher ailleurs.

M. Barbe était ahuri ; elle lui débitait ces phrases les dents serrées et l’œil grand ouvert, très hautaine, surtout très belle dans sa modeste robe noire, diadémée de ses cheveux opulents avec une frange droite, coupant son front, elle avait une bizarre tournure de fille décidée qui devine le néant des protestations.

— Mon Dieu, ma chère Mary, comme tu es exagérée ! murmura le savant ; et selon la coutume, s’imaginant qu’il avait affaire à quelque hystérique, il s’approcha d’elle, lui prit le poignet.

— Tu n’as pas la fièvre, hein ?

Elle n’avait aucune fièvre, sa main allongée, aux doigts souples, se crispa dans la main de Célestin.