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il avait la coquetterie de cette barbe ondulée qu’il caressait, en montant en chaire, d’une main blanche, une main merveilleuse d’accoucheur habile… Non, il n’avait pas la mine d’un croquemitaine ; pourtant, elle lui avouerait crûment la vérité.

— Mon oncle, je vous écoute !… répondit-elle fronçant les sourcils, et je vous comprends : je vous gêne parce que je ne suis pas un garçon.

Stupéfait, M. Barbe lâcha sa loupe. En effet, c’était cela, lui-même ne le pouvait mieux définir. Un garçon, il en aurait fait un médecin ou un botaniste, tandis que le sexe de Mary empêchait ce rêve. La petite avait du sens commun.

— Oui ! je ne te cache pas que je t’aimerais mieux un homme ! fit-il de mauvaise humeur.

Toujours l’éternelle passion de la famille pour les mâles ! Mary se révolta.

— Eh bien ! puisque je suis une femme, chassez-moi donc de chez vous, mon oncle, car c’est un crime que je ne veux plus m’entendre reprocher. Je serai libre de courir et de chanter, au moins. J’ai quinze ans, je ne vous ai pas fait de peine, je m’applique à vous obéir en tout et vous me traitez comme une prisonnière qui serait coupable. Je n’ai ni le droit de causer ni le droit de cueillir un brin d’herbe. Votre maison est une belle maison, c’est vrai, mais il faut que je marche sur la pointe des pieds, il faut que je prenne des précautions pour les meubles, pour les livres. Quand je veux sortir, Tulotte me dit que vous le défendez ; quand je demande à