Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/240

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cuisinière et son valet de chambre, un ancien garçon d’amphithéâtre que Célestin regardait comme une perle, parce qu’il ne disait jamais un mot de trop.

Tulotte, sortie de ses affolements prussiens, avait recommencé à boire pour se consoler, sans y parvenir. La cuisinière, qui ne ressemblait pas du tout à Estelle, de légère mémoire, tournait le dos à la plus gracieuse de ses invitations bachiques. Tulotte vieillissait de dix ans tous les mois. Mary, dépaysée, bien qu’elle fût habituée aux changements de garnison, devinait qu’on était dans un autre monde qu’on ne connaîtrait jamais. Elle avait l’envie ridicule d’appuyer son oreille contre les murailles pour savoir si quelqu’un ou quelque chose viendrait.

Comme les voitures faisaient une peur atroce à sa tante, elle sortait le moins possible, et quand le besoin de courir la prenait, elle descendait au jardin de l’hôtel, un jardin immense, étant donné les ressources de Paris, mais qu’elle trouvait beaucoup plus étroit que ceux des villes de province. Alors, en descendant, elle croisait parfois son oncle, elle s’arrêtait, tremblante, devant celui que la tradition de la famille lui avait toujours représenté sous un aspect de grand personnage, directeur de la vie des femmes et des enfants. Elle se collait derrière un battant de porte, s’enveloppait d’un rideau, le cœur oppressé.

— Te voilà, petite ! disait-il pour ne pas l’effrayer davantage. Ne fais pas de bruit ! Sois sage, étudie tes leçons !…