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brillantes, un peu le carrousel et un peu son costume d’amazone constellé de bijoux très rouges. Elle pensait qu’on pavoiserait et qu’on tirerait le canon pour annoncer les victoires. Elle prêtait l’oreille quand une rumeur de la rue lui arrivait. Les premiers temps, ce fut une douce émotion à chaque coup de sonnette. D’abord son père serait nommé général, Jacquiat passerait commandant, et le chasseur qui avait voulu lui voler le drapeau serait tué.

Madame Corcette, devenue veuve inconsolable, venait attiser ce beau feu ; elle jurait à Tulotte que nous aurions toutes les dames de Berlin pour cuisinières ; elle leur ferait payer cher les probables infidélités de son Corcette, car ces messieurs du 8e avaient des intentions sur les femmes de là-bas ! Estelle rêvait de ne plus se servir du torchon, et des impatiences naissaient de ces racontars féminins.

Enfin, un jour, les murs de Joigny se couvrirent des affiches si désirées. Une grande bataille, un succès prodigieux ! À peine les ennemis avaient-ils paru que les nôtres les avaient démolis. Les mitrailleuses fonctionnaient à merveille, nos hommes étaient remplis d’ardeur. On s’embrassait dans les rues, le sous-préfet donna des ordres pour illuminer.

— Quand je vous le disais ! murmurait madame Corcette : ils vont nous apporter les Berlinoises.

Les commentaires les plus extravagants suivaient