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de la peine à tirer son cheval de sa périlleuse situation ; tout confus, il rejoignit son escadron ; quant à Zaruski il avait relevé le drapeau qu’il agitait frénétiquement pour en secouer la poussière.

On se disputait sur les gradins. Qui avait gagné ? Personne, à en juger par les mines déconfites. Cependant Zaruski remonta à cheval pour saluer les tribunes ; en passant près de son colonel, il l’entendit grommeler :

— Il fallait le rattraper au vol !

— Pas moyen, mon colonel, votre fille était si vexée de la sottise du chasseur qu’elle a fichu le drapeau en bas sans regarder où je me trouvais !… Oh ! une crâne enfant ! mon colonel, mademoiselle Mary !

— Oui, mais elle devrait savoir qu’on ne fait pas tomber un drapeau dans la poussière, sacrebleu et en présence d’un front de bataille…

Zaruski riait. Mary, elle, ne riait plus. On lui avait volé sa victoire des hussards, elle ne le pardonnerait jamais aux chasseurs…

Et elle descendit lentement les degrés fleuris de son trône, des larmes dans les yeux, souffrant d’une blessure reçue en plein esprit de corps, ne daignant pas consoler les petites filles roses qui avaient eu une peur folle.

Seule, sur la piste des jouteurs, la robe flottante, le casque étincelant, elle revint au poney harnaché de violettes qui l’attendait.

— Zaruski est un imbécile, dit-elle, les dents serrées.