Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/221

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Pagosson et de Courtoisier, était de mettre aux prises les défenseurs du drapeau avec l’ennemi. (L’ennemi se recruterait parmi les chasseurs.)

Corcette, saisi d’une inspiration sublime, ajouta qu’au-dessus du drapeau planerait le génie de la guerre. Le sous-préfet renchérit en demandant que le génie de la guerre fût une femme, ou plusieurs femmes. Cette proposition eut un réel succès. Le sous-préfet, un peu rapin, tenait aux idées allégoriques. La question était de trouver une femme assez digne pour représenter le génie de la guerre sans donner lieu à de vilains propos, et assez courageuse pour se mettre en spectacle parmi des chevaux galopants.

Le trésorier indiqua ses fillettes ; à elles six, elles feraient un gentil génie de la guerre n’ayant pas peur des chevaux. On ne savait plus à quel génie de la guerre on aurait affaire lorsque, dans une soirée chez le colonel Barbe, Jacquiat s’écria :

— Que nous sommes donc écervelés ! Le voilà, notre génie de la guerre ! et il désignait Mary Barbe.

Le colonel fronça d’abord les sourcils. Ce n’était pas convenable ! Mary gagnait ses douze ans ; une demoiselle qui se respecte se déguiser ! Mais une telle unanimité se produisit qu’il fallut céder. Au fond, cela le flattait qu’on appelât sa fille à jouer un rôle dans un carrousel comme au temps de la vieille chevalerie française.

L’âge ingrat avait forcé les traits de Mary. Elle était plus élancée de taille et plus brune encore de