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du cou, puis les nœuds énormes s’étalaient sur la tête ayant l’aspect de papillons prêts à s’envoler. Il y avait les petits bonnets de satin rouge brodés d’or, les décolletages d’opéra-comique avec des colliers et des devants de chemisettes brodées et ajourées. Il y avait les paletots-mantes en velours, à capuchon de nuances vives, les galoches sculptées de la Forêt-Noire, toute proche, les bas de laine assortie au jupon et les enfants vêtus de même, représentant l’exacte réduction des grandes personnes, comme sortant d’une boîte à surprise.

La file serpentait le long des trottoirs, sans encombrements, dans une suite paisible de figurant aux costumes fraîchement renouvelés et attendant les bravos du public. Elles vendaient des œufs, du beurre, de la crème, des herbages, des choses proprettes, fleurant bon. Leurs bras et leurs visages montraient une peau ravissante et leurs cheveux blonds, d’un éternel blond de lin, répandaient une clarté de lune pâle. Elles éclataient sur les maisons noires, à pignons déjetés, qui leur servaient de fond. Mais quand toutes ces créatures jolies se mettaient à parler elles auraient mis en fuite un peintre amoureux, tant leur vilain langage contrastait avec leurs charmes reposés de buveuses de bière.

Décidément, c’était à ne pas y tenir et le colonel influença pour tirer son 8e de ce trou empoisonné de choucroute.

Un jour de mai, on partit de Haguenau où on ne devait jamais revenir, hélas !