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sable conduisait à la salle à manger toujours emplie de cette douce odeur de noisette, de cette odeur de la bière fraîche qu’on buvait là dans les choppes de verre de Bade. Des vagissements de bambins se glissaient par les fentes des boiseries, il y en avait trois : deux jumeaux et une fille. La mère, une Alsacienne de teint clair, aux cheveux aussi blonds qu’une torsade de lin, les babillait avec un soin patient de femme qui n’a rien de mieux à faire et fera cela toute sa vie. Quand le père parut, il avait retrouvé une mine joyeuse, il s’assit au milieu de la nichée, tapant sur sa cuisse pour leur dire de monter, leur parlant dans cet alsacien baroque qui donne à un cheval de sang l’envie de se cabrer, et un bonheur se dégageait de ces jeux enfantins, bonheur que le ventre du papa ne faisait point trop ridicule, car la mère avait la beauté de la Marguerite de Faust.

— Wilhem, disait la jeune femme tout émue, nous aurons une tarte aux kouetches ce soir pour notre dîner. J’ai préparé des nouilles qui sont fines comme des cheveux d’ange ! Ah ! tu reviens du Cours… quelles nouvelles, le maire y était ?… Madame Guilher a-t-elle sevré son petit ?… et as-tu demandé recette de sa confiture de myrtil, qu’elle confectionne mieux que moi ?

Lui, répondait longuement à ces choses importantes pour eux, sans omettre la vision de son maire, qu’il avait eue quand la carte du colonel s’était aplatie sur son nez.

— Ne serre pas ainsi la brassière de Jacques, ajou-