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quait pas de charme dans les chœurs, mais elle ne nuançait pas. Et toujours ce diable d’idiome revenait semblable à un écroulement de cailloux. Les hussards attardés, pris d’une honte secrète en les entendant beugler leurs monotones chansons, donnaient de leurs bottes le long des portes cochères et avaient mal aux cheveux.

Le journal paraissait rédigé moitié en français, moitié en alsacien pour ne pas dire en allemand.

Une aventure survint au colonel Barbe, en pleine place publique, aventure qui témoignera de l’extraordinaire façon qu’avait le bourgeois de juger les mœurs hussardes. Mary pour s’acclimater eut une petite fièvre chaude et son père dut faire venir un docteur de la ville, n’importe lequel, dont le nom s’éternuait quand on hésitait à le prononcer.

Le brave homme rédigea d’abord son ordonnance en alsacien, ce qui fit faire une atroce grimace au colonel.

— Monsieur, dit-il, affectant un grand air de dédain, nous ne sommes pas des Chinois ici, et je vous prierai de soigner ma fille en bon français !

Le docteur, un jeune savant, à gros yeux bleus faïence, ayant déjà trois enfants, les avait toujours soignés en alsacien et ils se portaient à merveille, pesant le poids voulu de graisse, digérant les plats de nouilles comme les escamoteurs font disparaître des muscades.

— Hein ? grogna-t-il avec un rire doux, à qui en a-t-il, ce hussard-là ?