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bec pendait des solives noircies du plafond, le lit affectait la forme d’une tente arabe très malpropre, les murailles se couvraient de hardes en pourritures et sur un tapis graisseux s’asseyaient en tailleur les hommes de la maison, vêtus de redingotes du temps de Napoléon Ier. Ces hommes avaient de petites barbes pointues mal soignées, les ongles en deuil, les yeux noirs très vifs, le dos légèrement voûté et souvent ils étaient d’un roux flamboyant qui éclairait toute la salle. Tous vendaient quelque chose, on ne savait jamais bien quoi. Ils exhalaient une odeur de vieux souliers particulière à la race. Les femmes se montraient peu : on en concluait, au 8e, qu’elles étaient fort belles, des juives enfin, mais elles ne possédaient aucun attrait, elles avaient seulement la touchante coutume de cacher leurs cheveux derrière un tour de cheveux faux qui les enlaidissait de la manière la plus pitoyable. Aux réjouissances publiques, elles sortaient leurs enfants par douzaine, des enfants roux, sentant l’huile. Peut-être y avait-il des femmes de race plus fine, mais alors il fallait les voir dans les salons de la sous-préfecture et les hussards n’aimaient guère ces sortes de réunions où on n’enlève point les femmes du bras de leur mari. La religion sévère de Dôle était remplacée à Haguenau par l’amour de son intérieur et des berceaux. Quand on entrait dans un salon de bourgeoise, on attendait une heure avant de pouvoir saluer la maîtresse du logis ; en revanche, des appartements voisins, on entendait des cris de