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d’être une mauvaise catholique, une créature dénaturée, puis elle finit par accuser aussi ce système d’éducation extraordinaire qui commençait par vous prédire mille félicités et ne vous donnait pas le moyen absolu de se procurer une satisfaction pour tout ce qu’on endurait de supplices à attendre quelque chose qui ne venait pas. Certains sauvages aiment le soleil parce que le soleil semble les aimer en les éclairant. Il est bien difficile de faire saisir aux natures primitives — et les enfants sont des primitifs — pourquoi il est agréable d’adorer un invisible que rien ne manifeste hormis les chants de la messe. Les dévots ne raisonnent pas, Mary raisonnait toujours. Elle avait laissé étouffer son frère parce que ce petit criait trop fort. Elle laissa de même s’étouffer ses naïves aspirations religieuses parce que Dieu, en elle, ne criait pas du tout. Madame Corcette la ramena au chalet avec Tulotte ; on fut plus aimable pour elle qu’on ne l’avait été les derniers temps ; d’abord elle portait dans les plis de sa robe blanche une ingénuité neuve, ensuite elle paraissait tellement déçue qu’il fallait bien la consoler. Madame Corcette lui répétait que tous les enfants n’avaient pas eu plus de chance qu’elle, cela se devinait bien à leur mine. Elle promettait seulement de continuer à être sage, de s’instruire comme une demoiselle qui dirigerait plus tard la maison. Tulotte se faisait vieille, le papa aussi et elle devait songer à prendre de l’empire sur eux. Estelle l’embrassa en pleurant, le père lui pinça la joue en lui disant :