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la paix, bien froide, bien unie, une paix muette comme celle d’un tombeau, et, ma foi ! pour l’avoir elle n’avait pas hésité à en ouvrir un ! Ces choses-là sont simples quand on a dix ans.

La religion ne modifia guère l’étrange nature de Mary Barbe. Elle eut d’abord la curiosité du miracle, le curé lui ayant expliqué, avec beaucoup de citations à l’appui, que souvent un ange, ou la Sainte Vierge, pouvait se mêler des affaires de ce monde ; le miracle lui parut la seule chose amusante du catholicisme. Sans s’arrêter aux gloires des martyrs ni à la douceur d’aimer un Dieu, tout jeune, entouré de souffrances pitoyables, elle s’inquiéta de la manifestation sensible de ces puissances inconnues. Après avoir prié, selon les règles, en s’appliquant, dans un positivisme déjà naissant, à ne rien omettre pour que l’acte surnaturel pût se réaliser, elle attendait des heures entières qu’un messager vint lui dire quelques mots généreux. Elle guettait, devant les autels, un signe de la Sainte Vierge, une porte de tabernacle s’ouvrant brusquement, un saint descendant de son piédestal, ou encore un cantique entendu subitement. Elle se prêtait à tous les exercices de dévotion pour obtenir cette sanction d’une foi qu’elle avait très peu, mais elle trouvait raisonnable de faire un échange de sa raison de mortelle contre une cause divine. Elle serait devenue d’une piété exemplaire si le moindre trouble cérébral, une disposition hystérique lui avait donné l’illusion d’un miracle, d’un tout petit miracle. Elle ne pouvait pas com-